Du piratage de films en toute impunité

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Cinéma

Du piratage de films en toute impunité
Mathieu Van Overstraeten

Mis en ligne le 28/10/2004
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Après les CD, ce sont les DVD qui sont victimes d'un piratage à grande échelle.
La Belgian antipiracy foundation estime à 250000 le nombre de films téléchargés illégalement chaque jour en Belgique.La répression est quasi nulle.



Fin août, le parquet de Mons et la police locale de La Louvière organisent une descente sur le marché dominical de Houdeng-Goegnies, suspectant certains des vendeurs présents d'écouler des DVD pirates. Ils y font main basse sur près de 2000 contrefaçons, parmi lesquelles de nombreux films qui ne sont même pas encore sortis au cinéma en Belgique. Et dans les maisons de ces vendeurs, ils trouvent du matériel informatique ultra-sophistiqué.

«Dans une des maisons, on m'a dit qu'il y avait une pièce cachée contenant des milliers de DVD vierges, deux ordinateurs super-puissants équipés chacun de huit graveurs et trois énormes écrans plasma comme les policiers n'en avaient encore jamais vu», raconte Rik Reynaers, le directeur de la Belgian antipiracy foundation (BAF), une ASBL qui rassemble l'ensemble des acteurs du marché du film - tant les studios hollywoodiens que les petits distributeurs belges - ainsi que deux des grands noms du jeu vidéo: Sony (PlayStation) et Microsoft (XBox).

250000 films par jour

Bien moins médiatisé que le piratage d'oeuvres musicales, le piratage de films a pris ces dernières années une ampleur insoupçonnée. Les saisies telles que celle effectuée à Houdeng ne constitueraient ainsi que la toute petite pointe d'un iceberg auquel il faut ajouter la vente de faux DVD par petites annonces au sein même de certaines grandes entreprises du pays, la location de faux DVD par de très nombreuses vidéothèques et même la vente de DVD pirates dans les magasins de certaines grandes enseignes. Sans parler bien sûr des innombrables films téléchargés illégalement par des internautes.

«Une étude française a récemment estimé que les internautes de l'Hexagone téléchargent 1,15 million de films par jour. En extrapolant ce chiffre au marché belge et en tenant compte du fait que les connexions Internet sont plus performantes dans notre pays, nous estimons que le chiffre pour la Belgique doit tourner autour des 250000 films», affirme Rik Reynaers.

Le tout dans une impunité de fait assez surprenante, en particulier pour tout ce qui est téléchargement. «Ce n'est pas la législation qui fait défaut, ce sont les moyens. La lutte contre le piratage n'est en général une priorité ni pour la police ni pour la justice», dit le directeur de la BAF. Et ce dernier de citer l'exemple des Pays-Bas, où les douze agents assermentés qui travaillaient pour l'équivalent néerlandais de la BAF ont été engagés par le Ministère des Finances tandis qu'un poste de substitut pour tout ce qui touche à la piraterie multimédia a été créé afin d'accélérer les procédures. «En Belgique, les responsables politiques ne sont pas conscients des obstacles rencontrés par les forces de l'ordre, mais nous allons essayer de leur faire comprendre qu'en luttant plus efficacement contre le piratage, ils pourront générer davantage de rentrées fiscales. D'autant plus que le piratage coûte aujourd'hui beaucoup d'emplois au cinéma belge», explique Rik Reynaers.

Mieux que la drogue

Ce dernier s'inquiète aussi des liens évidents entre la contrefaçon de DVD et certaines organisations criminelles et terroristes (l'IRA par exemple, ainsi que certains groupes islamistes). «L'équation est simple. En vendant de la drogue, les criminels peuvent espérer se faire une marge de 400pc mais d'un point de vue logistique, c'est plus compliqué et s'ils se font attraper, c'est à coup sûr la prison. Par contre, s'ils produisent des DVD pirates, ce qui est plutôt facile à faire, ils se font une marge de 800 pc et ils ont peu de chances de se faire attraper.»

Le combat serait-il donc perdu d'avance pour la BAF? Pas forcément. Le nombre de saisies de films pirates par exemple est passé de 11219 en 2002 à 91594 en 2003, tandis que certains procès devant des tribunaux civils ont abouti à des amendes importantes pour les fraudeurs.

Pour conscientiser encore davantage les internautes à la problématique, une campagne de publicité antipiratage sera également lancée, à partir du 17 novembre, dans les salles de cinéma. Car après tout, les chiffres du piratage prouvent aussi à quel point les consommateurs aiment regarder des films!